LA CHINE AU MIROIR DE LA GESTION DES DECHETS

LA CHINE AU MIROIR DE LA GESTION DES DECHETS

Confucius enseignait que l’ « on s’égare rarement en s’imposant soi-même des règles sévères ». Le gouvernement chinois aurait-il fait sien ce précepte moral en matière de gestion des déchets ?

 

Force est de constater le durcissement des règles relatives à la gestion des déchets dits « solides », ces dernières années. En témoigne les modifications récurrentes de la législation en la matière, avec - en dernière date - l’adoption de la loi de la République populaire de Chine sur la prévention et le contrôle de la pollution de l’environnement par les déchets solides, entrée en vigueur le 1er septembre 2020. Dans son exposé des motifs, le texte traduit la volonté des autorités chinoises d’assurer et d’améliorer la protection de l’environnement, mais aussi de sauvegarder la santé publique par la prévention et le contrôle de la pollution causée par les déchets solides. Il s’agit également de promouvoir la durabilité environnementale dans le cadre du développement économique et social. 

 

Brève histoire de la réglementation des déchets en Chine

 

Au début des années 1980, le territoire chinois a été le réceptacle des déchets de la planète. Ces déchets représentaient, pour une nation en plein développement, une ressource précieuse de matières premières secondaires. Ce pays est aussi, à l’échelle internationale, un acteur majeur du traitement des déchets produits dans le monde. Cependant, cette importation massive, pendant des décennies, a eu des conséquences néfastes sur l’environnement et la santé publique. C’est pourquoi, progressivement, les autorités chinoises ont choisi de durcir leur politique de gestion des déchets, tant du point de vue interne que du point de vue international. 

 

La législation concernant la gestion des déchets est relativement ancienne, la première loi chinoise ayant été adoptée le 30 octobre 1995, avec une entrée en vigueur au 1er avril 1996. Son rayonnement est resté cependant modeste, puisque celle-ci a nécessité de multiples révisions, respectivement en 2004, 2013, 2015, 2016 et 2020. On assiste, par conséquent, à une montée en puissance des préoccupations écologiques et environnementales dans les politiques publiques, en raison principalement de l’inadaptation de certains dispositifs à la réalité des pratiques chinoises. 

 

La Chine est en effet devenue le plus grand émetteur de dioxyde de carbone du monde. Sur ce pays repose une partie de l’avenir du changement climatique de notre planète. C’est ce qui explique l’accélération des mesures et des différents plans du gouvernement, lequel aspire à la neutralité carbone à l’horizon de l’année 2060.

 

 Définitions juridiques des déchets en droit chinois

 

Le droit chinois opère une première discrimination entre les déchets, laquelle repose sur leur provenance ou leur dangerosité. Ainsi, il distingue selon que les déchets résultent de la construction, de l’industrie, de l’agriculture, des ménages, du médical ou bien qu’ils recèlent un caractère dangereux pour l’environnement et la santé. Cette classification permet d’appliquer des règles et méthodes adaptées à chaque type de déchets quant à leur gestion. 

 

A côté de cette définition énumérative, l’article 124 de la nouvelle loi sur les déchets envisage deux autres définitions. La première décrit le déchet notamment par sa fonction. En ce sens, sont des déchets solides, les déchets et substances à l’état solide, semi-solide ou gazeux générés par les activités, ayant perdu leur valeur d’usage initial ou qui n’ont pas perdu leur valeur d’usage, mais ont été jetés ou abandonnés. En d’autres termes, les déchets sont des objets matériels ou mixtes qui ne sont plus en état d’être utilisés, car ils ont perdu leur fonction initiale ; ou qui sont encore en état d’être utilisés, mais qui ont perdu leur intérêt aux yeux des détenteurs, ceux-ci les ayant jetés ou abandonnés. 

 

La seconde définition est plus conceptuelle, car elle retient comme déchets solides les objets et substances qui ont été qualifiés comme tels par les lois ou les règlements administratifs. A ce principe, une exception est toutefois posée par le nouvel article 124. Ainsi, même si la loi ou les normes réglementaires décident de conférer à un objet ou une substance le statut de déchets solide, ce principe ne s’applique pas lorsque ce déchet solide a fait l’objet d’un traitement permettant de réduire le volume et la dangerosité dudit déchet ; et qu’il répond aux normes nationales obligatoires en matière de sécurité écologique ou qui sont qualifiés comme non déchets solides par application des normes et procédures d’identification des déchets solides. 

 

Les métaux : déchets ou produits ? 

 

Les déchets de métaux : déchets ou produits ? Telle est la question. Cette interrogation n’est cependant pas propre à la Chine et se pose avec force, particulièrement en Europe. La réponse revêt un grand intérêt, puisqu’elle impacte directement tant le marché des matières premières secondaires métalliques que les règles à l’importation. 

 

Il résulte des définitions précitées que les déchets de métaux sont des déchets qui peuvent être générés par diverses activités humaines : construction, industrie, ménagers, etc. Ils ont par ailleurs perdu leur valeur d’usage initial ou bien ils ont été jetés ou abandonnés par leurs détenteurs. On citera par exemple le cuivre issu de chauffe-eau ou de radiateurs, le plomb ou le nickel provenant des batteries, le zinc composant certaines toitures ou encore l’or, l’argent et le palladium contenus dans les appareils informatiques. Ce type d’éléments demeurent des déchets tant qu’ils n’ont pas subi un traitement permettant de réduire leur volume et leur dangerosité, selon la loi, ou qu’ils ont été qualifiés comme non-déchets. 

 

Cette question de la qualification revêt une importante particulière, car elle détermine en particulier les règles à l’importation.


Des restrictions à l’importation des déchets de métaux

 

De façon progressive, le gouvernement chinois a procédé à une restriction, puis à une interdiction de certains déchets de métaux. Ainsi, en 2013, l’opération « Green Fence » qui consistait à contrôler la qualité des déchets importés dans le pays, a entraîné une diminution des importations de déchets ferreux et non ferreux. En 2017, c’est l’opération « National Sword » qui est lancée. Elle vise principalement à lutter contre les importations illégales de déchets et aboutit à l’arrestation d’opérateurs ne disposant pas de licences, ainsi qu’à la saisie de plusieurs milliers de tonnes de déchets. La même année, les autorités informent l’Organisation mondiale du commerce de leur volonté de réduire, voire d’interdire, certains déchets solides d’ici la fin de l’année 2020. Les déchets de cuivreux, d’aluminium figurent notamment dans la ligne de mire du gouvernement chinois. 

 

Ainsi, de nouvelles normes sont édictées concernant le cuivre et l’aluminium, induisant tant des restrictions que des interdictions. En parallèle, les autorités chinoises abaissent le taux d’impuretés de certains déchets non-ferreux, imposent des quotas, ainsi que la détention de permis à l’importation. Il en découle que les métaux de moindre qualité ne peuvent plus être importés sur le territoire chinois. 

 

Des déchets de métaux aux « non-déchets »

 

Ces nouvelles orientations ont entraîné une diminution drastique de l’importation des métaux, à une période de reprise économique où la chine - loin d’être autosuffisante en matières premières secondaires – se trouve confronter à la demande croissante en métal de ses industries et aciéries. C’est ici que prend tout son intérêt la notion de « non déchet ».

 

 Il s’agit tout simplement du versant chinois de la notion de « sortie du statut de déchet » connue en droit européen. Celle-ci permet de conférer à certains déchets la qualité de produits, et ainsi de les extraire des normes et quotas relatifs à l’importation des déchets. Ce concept révèle par ailleurs tout le particularisme des déchets de métaux. Certains d’entre eux sont en effet recyclables à l’infini, sans perdre leurs propriétés originelles. Ils sont en quelque sorte la quintessence des matériaux intéressant l’économie circulaire. 

 

Depuis le 1er juillet 2020, les déchets contenant une haute teneur en métal sont considérés comme des matières premières. Cependant, pour obtenir une telle qualification, les métaux doivent répondre aux standards exigés par les autorités chinoises. Ainsi, ont été publié la même année, les codes douaniers affectés au cuivre, à l’aluminium et au laiton, permettant une entrée sur te territoire sans restrictions.

 

Des quotas à l’interdiction 

 

S’agissant des déchets de métaux à proprement parler, jusqu’au mois d’octobre 2020, date de l’émission du 13ème lot, le gouvernement chinois imposaient des quotas à l’importation. 

 

Depuis fin 2021, l’exportation de métaux depuis l’Union européenne vers la Chine a cessé à défaut de consensus entre les deux continents sur ce qu’il faut entendre par « déchets » et « matières premières recyclables ». Bien que la Commission européenne ait modifié récemment son Règlement relatif à l’exportation de certains déchets hors pays de l’OCDE, sa demande au gouvernement chinois sur sa conception des « déchets » et « matières premières recyclables » est restée lettre morte. Partant, la Chine a été soustraite de la liste des pays autorisés à recevoir des déchets d’origine européenne, mettant un terme à l’importation des déchets de métaux. 

 

L’effet papillon 

 

Lorsque la Chine éternue, c’est l’Europe entière qui s’enrhume. Outre la crise sanitaire de la Covid-19, la gestion des déchets de métaux est un exemple frappant des répercussions de la politique chinoise sur le reste du monde. L’émoi suscité par les décisions chinoises en matière de restrictions et d’interdictions à l’importation de déchets en Europe et dans le monde témoigne de cette réalité. Il en est résulté la naissance de nouveaux eldorados de déchets, représentés le plus souvent par les pays les moins avancés de l’Asie du Sud-Est. Ce changement de cap est aussi l’occasion pour le gouvernement chinois de faire émerger un marché des déchets sur le territoire chinois, sans concurrence internationale.

 

En matière environnementale, la Chine nous démontre avec force, comme Lao-Tseu l’exprimait, qu’ « avoir un but trace la voie ».

 

 

 

 

 

 

 

 

En savoir plusJ'accepte
Les cookies assurent le bon fonctionnement des services de ce site. En utilisant ces derniers, vous acceptez l'utilisation des cookies.